6 tendances santé numérique et les comportements santé pour 2026 et 2027

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6 tendances santé numérique et comportements santé 2026

Plusieurs textes structurants viennent d’être publiés et vont impacter les tendances santé numérique et comportements santé pour l’année 2026 et le début 2027.

Pendant plus d’une décennie, la santé numérique s’est développée sous une promesse implicite : numériser suffirait à transformer les comportements et à prévenir les maladies chroniques. Or, les données accumulées, les évaluations médico-économiques et les nouvelles régulations européennes convergent vers un constat plus nuancé : l’innovation technologique n’a de valeur qu’intégrée à une stratégie comportementale, clinique et organisationnelle explicite.

À l’horizon 2026, trois dynamiques redessinent profondément le champ :

  1. une normalisation réglementaire forte,
  2. une exigence accrue de preuves d’impact réel,
  3. un déplacement progressif du débat, de la performance technique vers l’acceptabilité, l’adhésion et la soutenabilité comportementale.

1. De la “santé numérique” à la “santé numérique sous conditions”

L’effet combiné du MDR et de l’IA Act

Le règlement européen sur les dispositifs médicaux (MDR) avait déjà profondément modifié l’écosystème :

  • chute du nombre d’applications revendiquant un statut médical,
  • allongement des délais de mise sur le marché,
  • recentrage sur des usages cliniquement circonscrits.

L’IA Act, qui entrera progressivement en application entre 2025 et 2026, ajoute une seconde couche de contrainte, cette fois centrée sur le risque systémique. Les systèmes d’IA utilisés pour influencer des comportements liés à la santé, à l’adhérence thérapeutique ou à la prévention seront majoritairement classés “à haut risque”.

Mais une proposition de révision parue récemment, qui n’entrerait pas en vigueur avant 2027 si le parcours standard des textes réglementaires est respecté

Tendance 2026 :

La question ne sera plus “est-ce que ça marche ?” mais “est-ce que c’est acceptable, explicable et gouvernable ?”.

Conséquence directe :

  • potentielle reconnaissance des solutions non sillotées, au coeur des échanges 2026, notamment du fait de la réglementation européenne MDR
  • montée en puissance d’un parcours de preuves, plus uniquement centré sur le clinique
  • retour des professionnels de santé comme co-acteurs du changement comportemental, et non simples prescripteurs d’outils.

2. Retour du facteur humain comme condition de performance

Tendances 2026

Les données convergent : les outils numériques sans médiation humaine ont un impact limité.
En 2026, les solutions crédibles seront celles qui combinent :

  • outils numériques sobres,
  • accompagnement professionnel structuré,
  • intégration dans des parcours existants.

3. PLFSS et prévention : les parcours coordonnés

La reconnaissance politique sans l’ingénierie opérationnelle

Les PLFSS récents marquent un changement de discours :

  • évitement de l’entrée en ALD,
  • parcours coordonnés renforcés,
  • reconnaissance des interventions non médicamenteuses (INM).

Cependant, l’analyse des décisions montre un paradoxe persistant :

  • les outils sont reconnus,
  • les preuves sont exigées,
  • mais les cadres d’évaluation restent inadaptés aux interventions comportementales complexes.

En pratique, les dispositifs qui combinent :

  • accompagnement humain,
  • outils numériques,
  • modifications de l’environnement de vie,

sont souvent jugés “trop généralistes”, alors même que la littérature internationale montre que ce sont précisément ces interventions multi-composantes qui produisent les effets les plus durables sur les MNT.

Tendance 2026 :

  • Un focus sur des parcours de dépistages via les parcours coordonnés
  • Un foisonnement d’initiatives sur les prises en charge APA et diététiques
  • La France risque de rester bloquée dans une prévention hyper-spécialisée mais peu transformationnelle, faute d’un cadre d’évaluation réellement comportemental.

Tendance 2027 : montée en puissance de la prévention “à bas bruit”

À l’horizon 2027, les interventions les plus efficaces ne seront plus celles qui sollicitent constamment l’attention, mais celles qui :

  • modifient l’environnement de décision,
  • réduisent la charge cognitive,
  • s’insèrent discrètement dans le quotidien.

4. Le retour en force de l’ingénierie comportementale… mais sous surveillance

Ce que disent les recherches récentes

Les publications récentes dans Nature Digital Medicine, The Lancet Public Health ou JMIR convergent sur plusieurs points clés :

  • Les interventions numériques isolées ont des effets modestes mais réels sur l’activité physique ou l’adhérence (SMD ≈ 0,2–0,3).
  • Les effets cliniques significatifs apparaissent surtout lorsque l’outil numérique est intégré à :
    • un accompagnement humain,
    • une structuration de l’environnement,
    • une temporalité longue (> 12 mois).

Par ailleurs, les neurosciences comportementales rappellent un point central : renforcer l’adhérence n’est pas équivalent à améliorer la santé.

Beaucoup d’interventions optimisent la conformité (rappels, incitations), sans transformer les déterminants profonds : routines, motivation autonome, perception de l’effort.

Tendance 2026 :

Montée en puissance d’approches plus sobres, ciblées sur :

  • la réduction de la charge cognitive,
  • la friction environnementale,
  • l’apprentissage progressif plutôt que l’incitation permanente.

Tendance 2027 :

Segmentation des approches comportementales selon les profils de vulnérabilité
Les travaux récents montrent que les effets diffèrent fortement selon :

  • le niveau socio-économique,
  • la charge de morbidité,
  • l’état psychologique.

En 2027, les approches “one size fits all” deviendront scientifiquement et politiquement indéfendables.
Les politiques publiques les plus avancées intégreront enfin des trajectoires comportementales différenciées.

5. Acceptabilité, confiance et “iatrogénie numérique”

Le signal faible que beaucoup ignorent encore

Les travaux récents en sciences sociales et en santé publique montrent un phénomène préoccupant :

  • la fatigue numérique des patients chroniques,
  • la défiance vis-à-vis des systèmes automatisés,
  • la crainte d’une dilution de la responsabilité clinique.

Les enquêtes d’opinion (Pew Research Center, 2023–2024) montrent que la majorité des citoyens ne rejettent pas l’IA en soi, mais son usage non explicité, non supervisé et trop rapide.

Tendance 2026

Le succès des solutions de santé numérique dépendra moins de leur sophistication algorithmique que de leur lisibilité clinique et relationnelle.

L’acceptabilité devient un nouvel indicateur de performance.

Les systèmes perçus comme intrusifs ou prescriptifs risquent de produire une iatrogénie comportementale : désengagement, perte de confiance, abandon.

5. Europe du Nord vs France : deux trajectoires qui divergent

Les pays nordiques et le Royaume-Uni investissent depuis plus de dix ans dans :

  • des bases de données populationnelles longitudinales,
  • des plateformes numériques orientées usage réel,
  • une prévention intégrée au quotidien des citoyens.

À l’inverse, la France reste marquée par :

  • une séparation forte entre soin, prévention et données,
  • une focalisation sur l’outil plutôt que sur l’usage,
  • une difficulté à penser la prévention comme un processus comportemental continu.

Tendance 2026

Sans évolution méthodologique et culturelle, l’écart d’impact réel risque de continuer à se creuser, malgré des investissements comparables.

Conclusion

Les années 2026–2027 ne marqueront pas une explosion de la santé numérique, mais son atterrissage.
Un atterrissage plus exigeant, plus lent, mais potentiellement plus fécond.

Le véritable enjeu ne sera plus de savoir ce que la technologie permet,
mais ce que le système de santé est prêt à accepter, intégrer et transformer.

Et sur ce terrain-là, les comportements — individuels, professionnels et institutionnels — resteront la variable décisive.

Bibliographie

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