Les entreprises investissent de plus en plus dans la santé de leurs salariés, mais que sait-on réellement de l’efficacité de ces interventions et programmes de santé au travail ? Une revue systématique parue en juin 2025 dans The Lancet Public Health apporte un éclairage. Elle synthétise les résultats de 88 revues et 339 méta-analyses publiées entre 2011 et 2024, couvrant un large éventail d’interventions de santé au travail.
L’impact durable en suspens
Premier constat : les effets sont globalement modestes, mais certaines approches tirent leur épingle du jeu.
Les interventions ciblant la santé mentale et le stress sont les plus étudiées. Des approches comme la pleine conscience, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la relaxation ou les outils numériques montrent des effets modérés à significatifs sur le stress, l’anxiété, le burn-out ou encore la résilience psychologique.
Les interventions de pleine conscience se distinguent avec des effets plus marqués, notamment sur le stress et l’anxiété. Cependant, ces résultats s’appuient majoritairement sur des suivis courts (souvent inférieurs à 3 mois), laissant la question de l’impact durable en suspens.
Impacts sur les comportements santé
Sur le plan des comportements de santé, des effets positifs sont également observés, notamment dans la réduction du temps passé assis au travail.
Les interventions environnementales (ex. : bureaux assis-debout) permettent de réduire la sédentarité quotidienne d’environ une heure.
Les interventions comportementales ou digitales (e-santé) apportent des bénéfices complémentaires, mais les résultats sont plus contrastés sur l’augmentation de l’activité physique modérée à soutenue.
Concernant la nutrition et la gestion du poids, les effets sont plus limités.
Certaines interventions multicomposantes permettent une légère perte de poids (autour de 1 kg) et une augmentation modeste de la consommation de fruits, sans impact démontré sur d’autres marqueurs comme l’apport en fibres ou en lipides.
Là encore, l’intensité et la durée des interventions semblent trop faibles pour générer des changements profonds.
L’étude identifie également des effets positifs sur la vaccination antigrippale des professionnels de santé, dont le taux de couverture augmente lorsque des campagnes sont intégrées au travail.
Les interventions jugées non efficaces
En revanche, certaines interventions se révèlent peu ou pas efficaces.
Les programmes visant à prévenir les troubles de stress post-traumatique ou à réduire le stress via des approches de type “acceptation & engagement” n’ont pas donné de résultats probants.
De même, les interventions exclusivement numériques sont peu efficaces pour la perte de poids. Et les effets des interventions sur les douleurs musculosquelettiques restent très incertains, faute de données robustes.
Au-delà des effets observés, cette revue met en lumière plusieurs limites majeures.
La qualité des données reste globalement faible : seuls 21 % des résultats sont jugés de qualité “modérée”, et aucun n’atteint le niveau “élevé”.
Les effets observés sont hétérogènes, souvent basés sur de petites études, avec un manque de suivi à long terme.
Par ailleurs, la majorité des interventions étudiées s’adressent à des populations relativement favorisées (employés de bureau, grandes entreprises), laissant de côté les travailleurs précaires, les petites structures, les jeunes ou les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Synthèse
En conclusion, certaines interventions de santé au travail — notamment celles ciblant le bien-être mental et la réduction de la sédentarité — sont efficaces à court terme.
Mais l’efficacité à long terme, la reproductibilité et l’impact à grande échelle demeurent incertains. Les auteurs appellent à repenser les cadres d’évaluation des interventions, à concevoir des interventions plus inclusives, plus longues et mieux ancrées dans les réalités des organisations.
C’est à cette condition que la santé au travail pourra devenir un véritable levier de santé publique.