Une bascule historique : l’obésité dépasse la sous-nutrition
Selon l’UNICEF, l’année 2025 marque un tournant : pour la première fois, l’obésité est plus fréquente que l’insuffisance pondérale chez les enfants et adolescents (9,4 % contre 9,2 %)
- Près de 391 millions de jeunes de 5 à 19 ans sont en surpoids, dont 163 millions souffrent d’obésité sévère.
- Ce phénomène touche désormais toutes les régions, avec une progression fulgurante dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où 81 % des cas sont recensés.
- La Haute Autorité de Santé (HAS) indique qu’en France, 4 % des enfants et adolescents de 6-17 ans sont en situation d’obésité.
- En parallèle, l’insuffisance pondérale recule mais persiste dans certains contextes de pauvreté extrême, créant une « double charge » de malnutrition.
Les données UNICEF révèlent que plus de 60 % des adolescents consomment quotidiennement des boissons ou aliments sucrés. Dans certains pays à revenus élevés, les produits ultra-transformés représentent jusqu’à la moitié de l’apport énergétique des adolescents.
L’impact du marketing sur les comportements alimentaires dénoncé
Réduire l’obésité infantile à un simple excès pondéral est une erreur fréquente. Les données accumulées montrent qu’elle agit comme un prédicteur de maladies chroniques, mais aussi comme un facteur de vulnérabilité sociale et psychologique.
Les associations et l’UNICEF dénoncent le marketing prononcé auprès des enfants comme le facteur principal de cette augmentation dans les pays développés.
Il est vrai que les enfants, notamment les enfants obèses, sont particulièrement sensibles au marketing.
Activation des circuits de récompense après exposition aux publicités alimentaires
- Une étude utilisant l’IRMf chez des enfants de 8 à 14 ans a montré que, après avoir regardé des publicités alimentaires, le cortex ventromédial préfrontal (région clé pour la valorisation des récompenses) s’active davantage. Les enfants prennent leurs décisions alimentaires davantage selon le goût que la santé, avec des temps de décision plus courts.
PubMed - Chez les adolescents (13-16 ans), une activation cérébrale plus forte dans des régions telles que le nucleus accumbens et le caudé en réponse à des publicités de fast-food est corrélée à une augmentation de la consommation alimentaire totale après exposition.
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Branding et logos alimentaires : une réponse motivationnelle directe
- Une étude menée chez des enfants de 7-10 ans a trouvé que les images de marques alimentaires activent des zones cérébrales liées à la motivation et à l’inhibition du comportement, et que cette réponse cérébrale est corrélée à une plus grande consommation lorsque les repas sont proposés avec branding comparé à sans marque.
PubMed+1 - Une étude pilote chez des enfants en bonne santé a montré qu’en visionnant des logos alimentaires familiers, il y a activation dans le cortex orbitofrontal et le cortex préfrontal inférieur, zones liées à la motivation et aux évaluations de valeur.
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Vulnérabilité accrue chez les enfants obèses ou à risque élevé
- Les enfants obèses présentent une réduction de l’activité dans les régions de contrôle cognitif (ex. préfrontal) en réponse aux logos alimentaires, ce qui suggère une plus grande difficulté à inhiber des comportements alimentaires influencés par le marketing.
PubMed+1 - Chez les adolescents en surpoids, les publicités alimentaires activent aussi des régions liées au goût ou même à la simulation sensorielle de l’acte de manger (régions motrices liées à la bouche) — comme si le cerveau « visualisait » l’acte de manger pendant la pub.
L’obésité ne se limite pas à des comportements alimentaires
Comme toute maladie chronique, l’obésité est liée nos pas à un seul comportement mais à l’ensemble des comportements santé de chaque individu : adhésion aux programmes de dépistage, motivation, croyances en santé, attitude face à la santé… Sans compter les facteurs psychologiques (résistance au changement, comportements d’évitement…).
Une revue systématique a examiné les facteurs influençant l’engagement des adultes en surpoids dans des interventions de gestion du poids à distance. Les résultats ont révélé que des facteurs tels que les croyances en santé, l’attitude, la résistance au changement et la perception de la menace pour la santé étaient des éléments clés influençant l’engagement dans ces interventions. Cela souligne l’importance de comprendre les croyances en santé pour concevoir des interventions efficaces.
Les impacts cliniques et économiques de l’obésité infantile
Un risque cardiométabolique précoce et persistant
Des études longitudinales publiées dans The New England Journal of Medicine démontrent que les enfants obèses ont quatre fois plus de risque de développer un diabète de type 2 à l’adolescence. De plus :
- Des anomalies lipidiques (hypertriglycéridémie, baisse du HDL-cholestérol) apparaissent dès l’âge de 10 ans.
- L’hypertension artérielle infantile est en nette progression : l’OMS estime qu’un adolescent obèse sur cinq présente une élévation tensionnelle.
- L’athérosclérose débute précocement : des études d’autopsie (Bogalusa Heart Study) ont montré des lésions vasculaires chez des jeunes de 15 à 19 ans obèses.
Obésité infantile et santé mentale : un lien avéré
L’UNICEF rappelle que l’obésité infantile est associée à une estime de soi fragilisée, à l’anxiété et à la dépression.
- Une méta-analyse parue dans JAMA Pediatrics (2019) indique que les enfants obèses présentent 55 % plus de risque de développer des troubles anxieux ou dépressifs.
- Le harcèlement scolaire lié au poids est un facteur aggravant, générant isolement social et baisse des performances scolaires.
- À long terme, ces troubles psychiques favorisent un cercle vicieux : repli, sédentarité, alimentation émotionnelle.
Un coût économique qui menace la soutenabilité des systèmes de santé
Au-delà de la souffrance individuelle, l’obésité infantile représente une bombe à retardement financière.
- Selon l’OCDE, le surpoids et l’obésité pourraient réduire le PIB de certains pays de 3 % à l’horizon 2050 en raison de la baisse de productivité et de l’augmentation des dépenses médicales.
- Chaque enfant obèse coûte en moyenne 1 700 € de plus par an en soins de santé par rapport à un enfant de poids normal (données européennes, Health Economics Review 2020).
- Les inégalités sociales amplifient ce coût : dans les pays à revenu élevé, l’obésité infantile touche davantage les ménages défavorisés, aggravant la fracture socio-économique.
Changer les comportements : une nécessité dans la lutte contre l’obésité infantile
80 % des adolescents obèses restent obèses à l’âge adulte ; ce taux tombe à ~ 70 % si on restreint à des adultes de plus de 30 ans (Simmonds M et al. 2015)
Sont ainsi à privilégier les approches visant :
Early tracking : les comportements alimentaires, la croissance pondérale et les habitudes de vie établies avant 5-6 ans jouent un rôle déterminant dans les trajectoires d’obésité et de métabolisme ultérieures.
Effet amplifié par l’âge et la sévérité : plus l’âge est élevé et plus le degré d’obésité infantile est prononcé, plus la persistance dans l’âge adulte est forte.
La prévention ne peut reposer uniquement sur les choix individuels : il s’agit de transformer les environnements alimentaires qui conditionnent ces choix. Des interventions ciblant les opportunités (environnement, motivation…) sont donc nécessaires.
Le numérique comme levier de changement comportemental contre l’obésité
Les données de l’OMS et de The Lancet Digital Health montrent que les outils numériques (applications de suivi alimentaire, capteurs d’activité, nudges numériques, intelligence artificielle personnalisée) peuvent influencer durablement les comportements alimentaires et physiques des enfants et adolescents.
Cependant, leur efficacité dépend de plusieurs facteurs :
- Design comportemental (behavioral design) : gamification, feedbacks instantanés et objectifs adaptés augmentent l’adhésion.
- Confiance des parents et encadrement éthique : le respect du RGPD et de la confidentialité des données de santé est crucial.
- Accessibilité sociale : les solutions numériques doivent cibler les enfants et familles vulnérables, et pas uniquement les classes favorisées.
Une approche intersectorielle indispensable
Transformer les comportements alimentaires des enfants ne peut reposer sur la santé seule. Il faut une coalition entre écoles, collectivités locales, acteurs du numérique et santé publique.
- Exemple : le Chili a introduit un étiquetage frontal obligatoire des aliments ultra-transformés, combiné à une restriction de la publicité alimentaire. Résultat : réduction de 25 % des achats de boissons sucrées (PLoS Medicine, 2020).
- En Europe, l’OMS encourage l’usage du numérique comme outil de prévention intersectoriel pour agir à la fois sur les comportements individuels et sur les environnements alimentaires (WHO-Europe, 2023).
FAQ – Obésité infantile, comportements santé et santé numérique
Quelle est la prévalence actuelle de l’obésité infantile dans le monde et en France ?
- UNICEF 2025 : 391 millions d’enfants/adolescents (5-19 ans) en surpoids, dont 163 millions obèses.
- HAS 2023 : en France, 4 % des 6-17 ans sont obèses, 17 % en surpoids.
Pourquoi l’obésité infantile est-elle considérée comme une maladie chronique pédiatrique ?
- NEJM 2017 : 74–88 % des enfants obèses restent obèses à 35 ans.
- Simmonds et al., 2015 : environ 80 % des adolescents obèses le restent à l’âge adulte.
Quel est le lien entre obésité infantile et santé mentale ?
- UNICEF 2025 : anxiété, dépression, faible estime de soi.
- JAMA Pediatrics 2019 : +55 % de risque de troubles anxieux ou dépressifs chez les enfants obèses.
Quels outils numériques peuvent aider à modifier les comportements alimentaires des jeunes ?
- Lancet Digital Health 2020 : applications mobiles avec gamification améliorent l’adhésion nutritionnelle.
- OMS 2023 : le numérique est une opportunité clé pour prévenir les maladies non transmissibles.
Quelles politiques publiques sont efficaces pour réduire l’obésité infantile ?
- BMJ 2016 : taxe soda au Mexique → baisse de 7,6 % des ventes en 2 ans.
- PLoS Medicine 2020 : étiquetage frontal au Chili → baisse de 25 % des achats de sodas.
- OMS 2022 : recommandations pour limiter la publicité alimentaire ciblant les enfants.
Changer les comportements alimentaires, est-ce facile ?