Responsabilité ou rôle : quelle différence pour les entreprises en matière de santé au travail ?
La santé au travail est encore trop souvent limitée à la prévention des accidents corporels (chutes, brûlures, coupures, …) ou des risques psychosociaux. Si les TMS ont ouvert la voie, les questions concernant le rôle et la responsabilité de l’entreprise en matière d’impact du travail sur la santé sont encore loin d’être tranchées.
En cause : la santé du salarié est encore trop souvent reléguée à sa responsabilité personnelle. Analyse de cas avec la sédentarité, qui concerne 73 % des Français [1], et l’alimentation.
Confusion entre santé au travail, qualité managériale et conditions de travail
Alors qu’une proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail était discutée en décembre 2020 dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI), les actions de santé au travail sont encore largement confondues sans distinguer QVT et prévention des risques.
Les entreprises ont ainsi 3 chantiers à mener pour garantir la santé physique et mentale de leurs salariés, avec l’amélioration :
- Des conditions physiques de travail (aménagement des espaces, des postes…),
- De la santé physique du salarié,
- De la santé psychique du salarié.
Cette dernière regroupe les actions d’amélioration de :
- L’organisation (écoute, management, dialogue social…),
- Des relations avec la hiérarchie et des processus participatifs de décision,
- Des relations avec les collaborateurs,
- La fidélisation des salariés.
Des actions regroupées aujourd’hui sous le terme de Qualité de vie au travail. Avec toutes les évolutions que ce terme à amener : la santé psychique du salarié est devenue aujourd’hui le bien-être du salarié. Car aujourd’hui les actions des entreprises ne doivent plus seulement garantir la santé, elles doivent rendre le salarié épanoui dans son milieu de travail.
Si l’amélioration des conditions physiques de travail a été historiquement la première obligation des entreprises, suivie aujourd’hui par les actions de QVT, l’amélioration de la santé des salariés a été la grande oubliée des débats. En cause, une conception culturelle : la santé des salariés relève de leur responsabilité personnelle.
L’exemple de la sédentarité : rôle ou responsabilité de l’entreprise ?
« Sitting is the new smoking ».
73 % des Français
travaillent assis toute la journée. Outre les TMS liés au travail sur écran ou sur une chaise, travailler assis plus de 4h d’affilée à une véritable incidence sur la santé des salariés.
Près de 10 % des arrêts maladies
sont liés à une pathologie circulatoire, potentiellement causée par la sédentarité. (Source : Caisse nationale de l’Assurance maladie, 2012)
Dans les cas où le poste appelle à ne pas se lever plus de 2h d’affilée, l’entreprise a une responsabilité dans la lutte contre les effets de la sédentarité sur la santé. Dans les cas où rien n’empêche le salarié de se lever quelques minutes toutes les 2h, elle y joue seulement un rôle.
S’il n’est décemment pas possible pour les entreprises de forcer tous les travailleurs à se lever toutes les 2h maximum, ni à travailler debout, il est encore difficilement concevable (en termes de coûts comme de productivité, et ce malgré les études soulignant un gain de productivité et un meilleur équilibre psychique) de bloquer une heure et demie sur le temps de travail pour la dédier à l’activité physique. Sans compter les réfractaires à cette nouvelle norme ou à l’activité physique, qui ne verraient pas d’un très bon œil cette nouvelle obligation.
Avec, à la clé, une question essentielle : l’entreprise doit-elle mordre sur le temps de travail pour accorder du temps aux salariés pour prendre soin de leur santé ?
La question de l’alimentation aurait également pu être utilisée pour illustrer la question. Elle est d’ailleurs bien moins épineuse que celle de la sédentarité, qui touche également aux conditions physiques de travail.
La santé des salariés, encore trop reléguée à la sphère personnelle
60 % des problèmes de santé sont liés à 7 facteurs : hypertension artérielle, tabagisme, abus d’alcool, hypercholestérolémie, surpoids, faible consommation de fruits et légumes et manque d’activité physique.
60 % des problèmes de santé sont donc à responsabilité partagée entre entreprise et salariés. Car alimentation, sédentarité/activité physique et conduites addictives sont, pendant la journée, influencés par l’entreprise.
Un constat qui est loin d’être partagé par les entreprises comme par les salariés, ou même les pouvoirs publics. Et pourtant…
[1] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/sante-au-travail-6-chiffres-inquietants-478770.html